Lou Clau des Eyrals, une histoire de temps
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Lou Clau
Aux Eyrals, non loin de Bouzic, habitait un couple de paysans très pauvres. L’homme allait travailler du lever au coucher du soleil, moyennant quelques sous, chez des propriétaires de la commune beaucoup plus aisés que lui.
Sa femme Philomène restait à la ferme. Elle occupait la plupart de son temps à garder quelques moutons dans les bois alentours.
De leur union était né un garçon. Malheureusement celui-ci était débile, comme on disait à l’époque, et on l’appelait en patois lou Clau. Je n’ai jamais su son vrai prénom. Qu’importe, il courait les chemins et parlait seul. A son revers de veste, au bout d’une chaîne, était accrochée avec une épingle double une grosse montre comme en portaient quelques paysans parmi les plus aisés. Cette montre ne la quittait jamais. On ne pouvait la manquer car, chaque fois qu’il croisait une personne, lou Clau s’avançait vers elle pour lui dire l’heure qu’il était.
Il en était très fier, Lou Clau, de sa montre. Il répétait toujours et partout que c’était la seule montre qui donnait l’heure exacte. Il expliquait que, quand elle s’arrêtait, il allait à la gare de Groléjac pour la remettre parfaitement à l’heure. Il n’hésitait donc pas à faire 10 km à pied pour avoir l’heure juste. A l’époque, il faut dire que marcher 10 km n’était pas un exploit. Mais personne ne le faisait dans ce but. Sauf lou Clau. Une fois rendu, il la remontait et la remettait à l’heure. Tout au long du retour, il n’oubliait pas d’interpeller tous le gens qu’il rencontrait. Il leur disait avec grande fierté et avec un visage rayonnant que l’heure de sa montre était la même que celle de l’horloge de Groléjac. Heureux les faibles d’esprit !
Le père de lou Clau
Son père lui aussi était un peu innocent. Une nuit, il fut réveillé par quelqu’un qui frappait à la porte. Il se leva et ouvrit. Il se trouva face à un personnage qu’il ne reconnut pas. La nuit était noire et l’homme lui dit qu’il était perdu. Il voulait se rendre à Bouzic et, ne trouvant plus son chemin dans ce noir, il s’était arrêté à la première maison qu’il avait rencontrée.
Ils discutèrent quelques instants et, soudainement, tout un groupe de jeunes gens, qui étaient cachés non loin, surgirent. L’un d’eux tenait dans ses mains une grosse poignée d’orties.
Un autre souleva la chemise de nuit de l’infortuné père de lou Clau. On lui frotta les fesses. Le pauvre, vous pouvez imaginer la réaction ! Car, bien choisies, elles piquent, ces maudites plantes ! Il pousse des cris et appelle sa femme : "Philomène, viens vite ! J’ai à faire avec une bande de canailles !". Raconté en patois, c’est encore plus savoureux, mais si c’est ma langue, je ne l’écris pas, comme beaucoup.
Ces jeunes revenaient tard de la fête à Campagnac. Passant non loin de la ferme des Eyrals, ils avaient prémédité leur farce. Tous habitaient à Bouzic. J’ai souvent entendu raconter cette histoire par les anciens. Ce n’était pas bien méchant et ce genre de blague, plus ou moins amusante pour la victime, mais bien divertissante pour tout le reste du village, n’était pas rare à l’époque.